Depuis la nuit des temps, l'Homme a perfectionné son alimentation. A la Préhistoire, il commence à nettoyer sa nourriture dans les rivière et les lacs. La maîtrise du feu permet la cuisson de certains aliments.
Avec la sédentarisation, il cultive des céréales pour faire des farines, ... On a retrouvé des représentations de l'Egypte antique où le pain fait sont apparition comme la consommation du poisson, de la viande, des fruits et des légumes.
Les romains vont créer des nouvelles recettes alimentaires pour intégrer les nouveaux ingrédients venus des colonies et de l'empire romain. Les épices sont utilisées dans les nouvelles recettes pour apporter des saveurs supplémentaires au palais.
A Moyen-Age, la cuisine médiévale est constituée d'un buffet où le convive mange de la venaison, des volailles rôties, avec des accompagnements acidulés et aigre-doux avec des épices. A la suite des croisades, les fruits et les légumes orientaux sont intégrés dans les buffets.
Au XIIIe siècle, on commence à introduire le fourneau dans la cuisine et on dresse la table à manger. Au niveau de l'hygière alimentaire, la cuisson limite la prolifération microbienne sur la viande et le poisson.
L'alimentation est différente selon l'ordre social établi. Les ingrédients les plus chers comme certaines épices (safran, ...), le sel, le gibier sont réservés aux rois et aux seigneurs.
Aux XIVe et XVe siècles,la famine se répand en Occident. Les seigneurs et les prélats organisent des banquets où la profusion des meilleurs mets est un marqueur social. Le seigneur mange les meilleurs morceaux des plats: épaule d'agneau, faisan, cygne, poulet, ... Les techniques culinaires évoluent vers plus de complexité pour améliorer les sensations gustatives.
Le surplus alimentaire est distribué aux pauvres autour du château.
En l'an 1420, Maître Chiquart va rédiger son traité de cuisine "Du fait de cuisine". Il officiait à la cour du Duc de Savoie. En particulier, il va décrire la composition d'un banquet à la cour ducale au Moyen-Age.
Les différents Ducs de Bourgogne ont théâtralisé par des rituels et un ordre des plats la gastronomie de l'époque. En Europe, la Cour de Bourgogne est devenu le modèle pour toute l'aristocratie européenne. Le banquet du Faisan, tenu à Lille en 1454 est le top de l'époque. Des centaines de personnes ont pu assister à la richesse de la table du Duc de Bourgogne. Philippe Le Bon, Duc de Bourgogne, a convié environ 200 Chevaliers à sa table pour la cérémonie des voeux du faisan. Il voulait obtenir que chaque Chevalier fasse le voeux de partir aux croisades.
Au Moyen Age, la cour des seigneurs est un lieu où l'on enseigne les bonnes manières en fonction du rang social. Les jeunes nobles se partagent le même récipient à boire et la même écuelle. Il ne faut pas remettre dans le plat un morceau entamé, .... La chronologie des plats est codifiée. Le service des mets mijotés, puis le service des rôtis, les entremets et les desserts.
A chaque service, les serviteurs posent sur les tables plusieurs mets. Le rituel était de faire passer les plats en fonction du rang social autour de la table du seigneur. Les personnes les plus modestes devaient se servir dans le plat placé devant eux.
A la Renaissance, l'influence italienne introduit une nouvelle chronologie de service. On sert les fruits en entrée, puis les bouillis, après les grosses pièces de viande rôties avec les viandes, en enfin les desserts. La cuisine s'enrichit des nouveaux produits venus de l'Amérique du Sud (haricot, chocolat, tomates, maïs, pomme de terre) et des desserts venus d'Italie (gelée, pain d'épices et le nougat).
Le nom de François Vatel est attaché aux grandioses fêtes et aux dîners organisés lors de la venue de Louis XIV au château de Vaux le Vicomte du Surintendant Fouquet et du château de chantilly du Prince Louis II de Bourbon Condé. Le 23 avril 1671, la cour royale du château de Versailles composée de 3.000 personnes (nobles et domestiques) viennent à Chantilly pour 3 jours de festivité. Le budget de cette réception est évalué à 50.000 écus. Le nom de Franois Vatel restera dans l'Histoire de France comme l'un des organisateurs de dîners d'exception.
Les cuisiniers de l'époque commencent à limiter l'usage des épices dans la composition des plats. On recherche la saveur du produit avec l'emploi des sauces plus techniques fond de sauce, ..).
Au XVIIIe siècle, les métiers de bouche (boucher, tripier, traiteur, .) apparaissent pour répondre aux besoins des citadins.
Le problème de la conservation des aliments est une préoccupation de l'Humanité. Des solutions artisanales existent depuis la nuit des temps mais le 1er procédé industriel est inventé par Nicolas Appert en 1795. Il va être perfectionné par Pierre Durand en 1810 qui ouvre la voie aux conserveries. La stérilisation des aliments est un important progrès dans l'alimentation humaine. L'industrie agro-alimentaire se développe. Les ménages les plus aisés vont pouvoir s'équiper des premières cuisinières. Le développement des différents modes de cuisson va conduire à élaborer des recettes de cuisine pour les ménages.
Le 1er Chef à porter ce titre est le français Marie Antoine Carême qui a fait son apprentissage chez le pâtissier Sylvain Bailly à Paris. Il va prendre l'initiative de se perfectionner en allant découvrir le monde des arts et de l'architecture. En 1813, il ouvre sa 1ère pâtisserie rue de la Paix. Ses oeuvres éphémères utilisent les lois de l'architecture pour bâtir des pièces de plusieurs mètres de hauteur comme ses célèbres "pièces montées". Cependant, son talent remarqué le conduit à diriger la cuisine de Charles Maurice de Talleyrand au château de Valencay. Il établira un planification sur une période d'une année de menus à base de produits de saison sans aucune répétition de plats. Chaque menu est consigné avant sa réalisation. Ce travail remarquable est la base du livre de cuisine. Sa renommée lui ouvre les portes de toute l'aristocratie et de la bourgeoisie européenne.
En 1858, le 1er journal de la gastronomie est lancé: "Le Gourmet" par Charles Monselet. Dans le 1er numéro, on indiquait clairement le but de ce nouveau hebdomadaire: "On entrera désormais avec certitude chez Verdier ou chez Véry en sachant d'avance ce qu'on doit y demander, et il suffira aux maîtres de maison d'envoyer au marché leur cuisinière avec le dernier numéro de notre journal à la main".
Dans les différents numéros, il est publié des recettes détaillées afin que la cuisinière puisse reproduire chaque plat avec la liste des ingrédients et les proportions à respecter. Il y a aussi un souci de recherche sur des anciens plats à remettre au goût du jour.
En 1865, Louis Paster dépose un brevet d'une nouvelle technique de conservation des aliments à partir des travaux de Nicolas Appert: la pasteurisation.
L'industrie agro-alimentaire va utiliser cette nouvelle technique thermique (entre 62 ° et 88°) pour se développer sur la conservation des produits frais.
En 1846 naît Auguste Escoffier, le grand nom de la Cuisine française. Il va révolutionner la cuisine servie dans les palaces. Une partie de son milieu familial travaille dans la restauration. Ainsi, il entre à 13 ans en apprentissage comme marmiton dans le restaurant de son oncle.
Le développement du chemin de fer en France et en Europe conduit les aristocrates et la haute bourgeoisie européenne à se déplacer vers la Côte d'Azur. L'hôtelier César Ritz s'associe avec Auguste Escoffier pour développer un nouveau concept de l'hôtellerie de luxe avec un restaurant où officie un grand chef de cuisine. En 1898, il ouvre l'Hôtel Ritz de la place Vendôme à Paris. Les femmes sont acceptées au restaurant. Cette innovation sociale va contribuer au succès de l'hôtellerie de luxe.
Le chef Auguste Escoffier va créer "le menu à la carte" en révolutionnant l'organisation des tâches réalisées en cuisine. Il crée la brigade où chaque personne à une tâche bien précise à réaliser en respectant un certain timing. Il crée des mets en proposant aux célébrités de donner leur nom à ce nouveau met comme la célèbre crêpe Suzette, la pêche Melba. Pour faciliter le travail en brigade, il crée le menu à la carte à prix fixe avec un minimum de 4 personnes par table avec des produits frais.
En 1899, il part diriger la cuisine du Carlton à Londres. Il applique ses méthodes jusqu'en 1920 où il dirigeait une brigade de 60 personnes en cuisine. A chaque service, il fallait servir environ 500 couverts.
Ce chef s'est engagé par ses écrits, par son initiative de créer les "Diners d’Épicure" par son "Guide culinaire" à exporter la cuisine française dans le monde entier. En 1883, il fonde la revue 'L'Art culinaire" qui deviendra en 1920 "La revue culinaire". En 1912, son livre "Le livre des menus" explique aux cuisiniers les régles à appliquer à la cuisine professionnelle de restauration.
La vulgarisation en 1934 de ses recettes dans le livre " Ma Cuisine" vers le public des ménagères est un acte de démocratisation de la cuisine française.
Le développement des moyens de transports comme la voiture, le chemin de fer, l'avion va contribuer à diversifier les variétés d'aliments en provenance du monde entier. La cuisine s'enrichit de nouvelles recettes pour accommoder des nouveaux plats.
En 1920, le Guide Rouge de Michelin publie une liste de restaurants avec des informations recueillies par les clients du Guide et les premiers inspecteurs anonymes. En 1926, un système de notation est mis en place. En 1931, les étoiles sont utilisées pour désigner les meilleurs restaurants de France. En 1997, la notation du "Bib Gourmand" fait son apparition pour indiquer un établissement où la cuisine de qualité à un prix modéré.
Dans les années 1970, Henri Gault et Christian Millau vont lancer un magazine de gastronomie et un guide "GaultMillau". Le guide établit une notation des restaurants en fonction de nouveaux critères qui annoncent un renouveau de la cuisine française. Le mouvement de la nouvelle cuisine s'inspire de ces nouveaux critères comme un retour aux saveurs authentiques des produits, maîtriser la cuisson des viandes, des poissons et des légumes, maîtriser les fonds de sauces, .... l'excellence de la cuisine et de la créativité culinaire doivent montrer le réel savoir-faire d'un chef et d'une brigade de cuisine. Le goût redevient un élément fondamental à faire partager à la clientèle des restaurants. On recommande aussi de diminuer le nombre des mets servis par rapport aux services d'Auguste Escoffier.
Voici la liste des 10 recommandations pour cette nouvelle cuisine rédigée par Henri Gault et Christian Millau en 1973:
1 « Tu ne cuiras pas trop. »
2 « Tu utiliseras des produits frais et de qualité. »
3 « Tu allégeras ta carte. »
4 « Tu ne seras pas systématiquement moderniste. »
5 « Tu rechercheras cependant ce que t’apportent les nouvelles techniques. »
6 « Tu éviteras marinades, faisandages, fermentations, etc. »
7 « Tu élimineras les sauces riches. »
8 « Tu n’ignoreras pas la diététique. »
9 « Tu ne truqueras pas tes présentations. »
10 « Tu seras inventif. »
Depuis 1980, le comité de rédaction du Guide décerne le titre de "Cuisinier de l'année".
Les chefs emblématiques de ce courant sont Michel Guérard, les Frères Trois Gros, Alain Chapel, Paul Bocuse, Alain Sanderens.
Le mouvement culinaire de la défense du goût est une réponse sociétale au développement d'une cuisine industrielle développée par les grands groupes de l'agro-alimentaire. Les normes de plus en plus exigeantes au niveau de l'hygiène alimentaire, le développement de la grande distribution, l'évolution des rythmes de vie, .... ont conduit la population vers la consommation des produits fabriqués par le secteur de l'agro-alimentaire.
La médiatisation de la cuisine est apparue en 1954 à l'écran avec l'émission "Art & Magie de la cuisine" animée par le chef Raymond Oliver. Ce chef du restaurant parisien le " Grand Véfour" a eu 3 étoiles au Guide Rouge de chez Michelin. Le but des émissions et des magazines est de redonner envie aux familles de recuisiner avec des produits frais et de saison.
Les nouveaux équipements comme le réfrigérateur, le robot ménager, les fours à plusieurs modes de cuisson, .. vont contribuer à faciliter la réalisation des plats. On recommande des cuissons à la vapeur, au bain-marie, en papillote. La cuisson à basse température permet de conserver le goût du produit.
Dans les années 1990, des chercheurs ont voulu vérifier de manière scientifique les bases des recettes de la cuisine française. Nicholas Kurti et Hervé This ont créé la gastronomie moléculaire. Les expérimentations menées avec le chef Pierre Gagnaire vont permettre d'établir les mécanismes scientifiques qui conduisent aux principales transformations culinaires. Il utilise souvent l'azote liquide pour faire ses expériences.
Les chefs emblématiques de ce courant sont Pierre Gagnaire, Thierry Marx, Ferran Adria et Heston Blumenthal.
L'ART CULINAIRE
C'est un art éphémère, il s'est surtout développé à partir du mouvement de la nouvelle cuisine. L'esthétique d'un met doit venir compenser l'impression d'une petite quantité servie dans l'assiette. Le cuisinier devient artiste. La présentation d'une assiette doit faire ressentir des émotions aux convives.
Chaque assiette doit être pensée comme un chef d’œuvre. Le chef doit travailler sur l'esthétique comme sur la composition des ingrédients. L'image d'un plat est devenue aussi importante en ressenti que la dégustation elle-même.
La cuisine moléculaire permet de favoriser le visuel de la présentation d'un met. Certains chefs déstructurent des plats et des desserts en jouant avec le visuel pour faire découvrir à leur clientèle une nouvelle approche de plats et de desserts revisités.
Les restaurants étoilés se sont orientés vers cette recherche esthétique. Chaque chef doit s’adjoindre de collaborateurs ayant une certaine maîtrise des techniques culinaires et une capacité artistique pour proposer des nouvelles cartes innovantes et esthétiques.
On peut comparer visuellement la différence de la présentation d'un plat réalisé par un chef cuisinier et un plat réalisé par un chef étoilé appliquent les nouveaux préceptes de la cuisine mondiale.
Depuis plusieurs années, l'artification du culinaire est orchestrée par les expositions comme l'exposition "Arts & Food" qui réunit 78 photographies d'art culinaire. Un extrait de la présentation de ce mouvement commente la place de l'art photographique au service de la cuisine: "La photographie, qui remplace la chose écrite, invite à réfléchir, rêver... et parfois saliver quand il s’agit de photographie culinaire. Tant il est vrai que plus que jamais, on mange désormais d’abord avec les yeux et que l’on préférerait se damner plutôt que de « consommer idiot ». La photographie culinaire est devenue celle d’un nombre grandissant de photographes du monde entier, professionnels de la lumière dont le regard, posé sur nos assiettes et notre alimentation, sublime nos goûts et nos habitudes alimentaires, nos choix en matière de cuisine....."
Le Palais des Beaux Arts de Paris a organisé l'exposition " l'Art et le processus culinaire" en 2013. L'idée de cette exposition était de développer une approche contemporaine de l'art culinaire.
Extrait: "
La création culinaire est en passe d’être reconnue comme un art à part entière, un mode d’expression ancré dans le contemporain. En 2007 déjà, Ferran Adrià se voyait invité en tant qu’artiste à la Dokumenta de Kassel. Mais sa participation fut limitée à l’invitation de quelques visiteurs de l’exposition dans son restaurant elBulli à Roses… Comment la cuisine peut‐elle pleinement devenir un objet d’exposition ?
La « nouvelle cuisine » dans les années 1970, puis vingt ans plus tard l’avant‐gardisme espagnol ou italien, ont inscrit l’évolution sous le signe d’un devoir de création permanent. Plus récemment, le retour à l’ordre et le recentrage sur le produit ont été le pendant d’une esthétique « nature » qui, en phase avec l’éclosion de la cuisine nordique, a donné ses lettres de noblesse au locavorisme, y compris dans ses expressions les plus radicales. Tous ces mouvements ont libéré la créativité des chefs, questionnant dans unmême élan le statut du cuisinier. Tel le cinéma dansles années 1950, la cuisine bénéficie désormais d’une “politique des auteurs “ et d’une critique capable d’en déchiffrer les motifs et les enjeux.
Tel est l’enjeu principal de COOKBOOK : situer la création culinaire dans le champ culturel contemporain, et initier un plus profond dialogue entre artistes et cuisiniers d’aujourd’hui, alors que se multiplient les échanges et les influences mutuelles entre le monde de l’art et celui de la gastronomie. Quelles sont les tendances esthétiques et les formes dominantes dans la cuisine contemporaine ? Le geste de la cuisine nature est‐il soluble dans le travail théorique des cuisiniers plus conceptuels ?
Dans l’exposition centrale du programme COOKBOOK, l’art contemporain forme une “gangue” autour de la création culinaire, représentée par les œuvres préparatoires(dessins, croquis, collages, vidéos…) exécutées par les maîtres de la gastronomie mondiale.
En retour, COOKBOOK isole quelques composantes de la pratique culinaire (la cuisson, la table, la transformation alchimique de la matière, l’apport de la “cuisine moléculaire” et de la réflexion sur les structures et les matières des ingrédients…) afin d’en repérer l’action ou les correspondances dans le processus artistique."
Dans les années 1960, l'Ecole des Beaux Arts de Francfort dispense des cours de cuisine. Aujourd’hui, on enseigne à l'Ecole Supérieure d'Art et de Design (ESAD) le design culinaire. La ligne conductrice de ce mouvement éducatif est de former les futurs chefs à l'Art pour permettre à ces maîtres queux d'expérimenter et de créer des œuvres éphémères de la gastronomie contemporaine.
Le restaurant étoilé est devenu un espace de représentation artistique éphémère. Le client aisé vient découvrir les nouvelles créations à la fois esthétiques et goûteuses.
En 1825, Jean Anthelme Brillat Savarin, célèbre gastronome français publiait dans la Physiologie du Goût les pensées suivantes:
" Les animaux se repaissent; l'homme mange, l'homme d’esprit seul sait manger"
" Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es",
" La découverte d'un mets nouveau fait plus, pour le bonheur du genre humain, que la découverte d'une étoile".
Aujourd'hui ces pensée sont à méditer sur les orientations futures de la cuisine et de l'Art culinaire.
Le restaurant EL CELLER DE CAN ROCA à Gérone en Espagne propose un mélange entre l'Art culinaire et la Gastronomie.
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