La pandémie du Coronavirus Covid -19 a entraîné des mesures de confinement de la population avec la fermeture des commerces et des établissements de la restauration. La France compte environ 160.000 restaurants sur l'ensemble du territoire national. La filière emploie + 700.000 salariés et elle réalise un chiffre d'affaires de + 50 milliards €/an.
HISTOIRE DE LA GASTRONOMIE FRANCAISE
Elle s'est constituée à travers les siècles. Au Moyen Age, en l'an 1420, Maître Chiquart va rédiger son traité de cuisine "Du fait de cuisine". Il officiait à la cour du Duc de Savoie. En particulier, il va décrire la composition d'un banquet à la cour ducale au Moyen-Age.
Les différents Ducs de Bourgogne ont théâtralisé par des rituels et un ordre des plats la gastronomie de l'époque. En Europe, la Cour de Bourgogne est devenu le modèle pour toute l'aristocratie européenne. Le banquet du Faisan, tenu à Lille en 1454 est le top de l'époque. Des centaines de personnes ont pu assister à la richesse de la table du Duc de Bourgogne. Philippe Le Bon, Duc de Bourgogne, a convié environ 200 Chevaliers à sa table pour la cérémonie des vœux du faisan. Il voulait obtenir que chaque Chevalier fasse le vœux de partir aux croisades.
A cette époque, la cour des seigneurs est un lieu où l'on enseigne les bonnes manières en fonction du rang social. Les jeunes nobles se partagent le même récipient à boire et la même écuelle. Il ne faut pas remettre dans le plat un morceau entamé, .... La chronologie des plats est codifiée. Le service des mets mijotés, puis le service des rôtis, les entremets et les desserts.
A chaque service, les serviteurs posent sur les tables plusieurs mets. Le rituel était de faire passer les plats en fonction du rang social autour de la table du seigneur. Les personnes les plus modestes devaient se servir dans le plat placé devant eux.
A la Renaissance, l'influence italienne introduit une nouvelle chronologie de service. On sert les fruits en entrée, puis les bouillis, après les grosses pièces de viande rôties avec les viandes, en enfin les desserts. La cuisine s'enrichit des nouveaux produits venus de l'Amérique du Sud (haricot, chocolat, tomates, maïs, pomme de terre) et des desserts venus d'Italie (gelée, pain d'épices et le nougat).
Le nom de François Vatel est attaché aux grandioses fêtes et aux dîners organisés lors de la venue de Louis XIV au château de Vaux le Vicomte du Surintendant Fouquet et du château de chantilly du Prince Louis II de Bourbon Condé. Le 23 avril 1671, la cour royale du château de Versailles composée de 3.000 personnes (nobles et domestiques) viennent à Chantilly pour 3 jours de festivité. Le budget de cette réception est évalué à 50.000 écus. Le nom de Franois Vatel restera dans l'Histoire de France comme l'un des organisateurs de dîners d'exception.
Les cuisiniers de l'époque commencent à limiter l'usage des épices dans la composition des plats. On recherche la saveur du produit avec l'emploi des sauces plus techniques fond de sauce, ..).
Le 1er Chef à porter ce titre est le français Marie Antoine Carême qui a fait son apprentissage chez le pâtissier Sylvain Bailly à Paris. Il va prendre l'initiative de se perfectionner en allant découvrir le monde des arts et de l'architecture. En 1813, il ouvre sa 1ère pâtisserie rue de la Paix. Ses œuvres éphémères utilisent les lois de l'architecture pour bâtir des pièces de plusieurs mètres de hauteur comme ses célèbres "pièces montées". Cependant, son talent remarqué le conduit à diriger la cuisine de Charles Maurice de Talleyrand au château de Valencay. Il établira un planification sur une période d'une année de menus à base de produits de saison sans aucune répétition de plats. Chaque menu est consigné avant sa réalisation. Ce travail remarquable est la base du livre de cuisine. Sa renommée lui ouvre les portes de toute l'aristocratie et de la bourgeoisie européenne.
En 1858, le 1er journal de la gastronomie est lancé: "Le Gourmet" par Charles Monselet. Dans le 1er numéro, on indiquait clairement le but de ce nouveau hebdomadaire: "On entrera désormais avec certitude chez Verdier ou chez Véry en sachant d'avance ce qu'on doit y demander, et il suffira aux maîtres de maison d'envoyer au marché leur cuisinière avec le dernier numéro de notre journal à la main".
Dans les différents numéros, il est publié des recettes détaillées afin que la cuisinière puisse reproduire chaque plat avec la liste des ingrédients et les proportions à respecter. Il y a aussi un souci de recherche sur des anciens plats à remettre au goût du jour.
En 1846 naît Auguste Escoffier, le grand nom de la Cuisine française. Il va révolutionner la cuisine servie dans les palaces. Une partie de son milieu familial travaille dans la restauration. Ainsi, il entre à 13 ans en apprentissage comme marmiton dans le restaurant de son oncle.
Le développement du chemin de fer en France et en Europe conduit les aristocrates et la haute bourgeoisie européenne à se déplacer vers la Côte d'Azur. L'hôtelier César Ritz s'associe avec Auguste Escoffier pour développer un nouveau concept de l'hôtellerie de luxe avec un restaurant où officie un grand chef de cuisine. En 1898, il ouvre l'Hôtel Ritz de la place Vendôme à Paris. Les femmes sont acceptées au restaurant. Cette innovation sociale va contribuer au succès de l'hôtellerie de luxe.
Le chef Auguste Escoffier va créer "le menu à la carte" en révolutionnant l'organisation des tâches réalisées en cuisine. Il crée la brigade où chaque personne à une tâche bien précise à réaliser en respectant un certain timing. Il crée des mets en proposant aux célébrités de donner leur nom à ce nouveau met comme la célèbre crêpe Suzette, la pêche Melba. Pour faciliter le travail en brigade, il crée le menu à la carte à prix fixe avec un minimum de 4 personnes par table avec des produits frais.
En 1899, il part diriger la cuisine du Carlton à Londres. Il applique ses méthodes jusqu'en 1920 où il dirigeait une brigade de 60 personnes en cuisine. A chaque service, il fallait servir environ 500 couverts.
Ce chef s'est engagé par ses écrits, par son initiative de créer les "Diners d’Épicure" par son "Guide culinaire" à exporter la cuisine française dans le monde entier. En 1883, il fonde la revue 'L'Art culinaire" qui deviendra en 1920 "La revue culinaire". En 1912, son livre "Le livre des menus" explique aux cuisiniers les régles à appliquer à la cuisine professionnelle de restauration.
La vulgarisation en 1934 de ses recettes dans le livre " Ma Cuisine" vers le public des ménagères est un acte de démocratisation de la cuisine française.
Le développement des moyens de transports comme la voiture, le chemin de fer, l'avion va contribuer à diversifier les variétés d'aliments en provenance du monde entier. La cuisine s'enrichit de nouvelles recettes pour accommoder des nouveaux plats.
En 1920, le Guide Rouge de Michelin publie une liste de restaurants avec des informations recueillies par les clients du Guide et les premiers inspecteurs anonymes. En 1926, un système de notation est mis en place. En 1931, les étoiles sont utilisées pour désigner les meilleurs restaurants de France. En 1997, la notation du "Bib Gourmand" fait son apparition pour indiquer un établissement où la cuisine de qualité à un prix modéré.
Dans les années 1970, Henri Gault et Christian Millau vont lancer un magazine de gastronomie et un guide "GaultMillau". Le guide établit une notation des restaurants en fonction de nouveaux critères qui annoncent un renouveau de la cuisine française. Le mouvement de la nouvelle cuisine s'inspire de ces nouveaux critères comme un retour aux saveurs authentiques des produits, maîtriser la cuisson des viandes, des poissons et des légumes, maîtriser les fonds de sauces, .... l'excellence de la cuisine et de la créativité culinaire doivent montrer le réel savoir-faire d'un chef et d'une brigade de cuisine. Le goût redevient un élément fondamental à faire partager à la clientèle des restaurants. On recommande aussi de diminuer le nombre des mets servis par rapport aux services d'Auguste Escoffier.
Voici la liste des 10 recommandations pour cette nouvelle cuisine rédigée par Henri Gault et Christian Millau en 1973:
1 « Tu ne cuiras pas trop. »
2 « Tu utiliseras des produits frais et de qualité. »
3 « Tu allégeras ta carte. »
4 « Tu ne seras pas systématiquement moderniste. »
5 « Tu rechercheras cependant ce que t’apportent les nouvelles techniques. »
6 « Tu éviteras marinades, faisandages, fermentations, etc. »
7 « Tu élimineras les sauces riches. »
8 « Tu n’ignoreras pas la diététique. »
9 « Tu ne truqueras pas tes présentations. »
10 « Tu seras inventif. »
Depuis 1980, le comité de rédaction du Guide décerne le titre de "Cuisinier de l'année".
Les chefs emblématiques de ce courant sont Michel Guérard, les Frères Trois Gros, Alain Chapel, Paul Bocuse, Alain Sanderens.
Le mouvement culinaire de la défense du goût est une réponse sociétale au développement d'une cuisine industrielle développée par les grands groupes de l'agro-alimentaire. Les normes de plus en plus exigeantes au niveau de l'hygiène alimentaire, le développement de la grande distribution, l'évolution des rythmes de vie, .... ont conduit la population vers la consommation des produits fabriqués par le secteur de l'agro-alimentaire.
La médiatisation de la cuisine est apparue en 1954 à l'écran avec l'émission "Art & Magie de la cuisine" animée par le chef Raymond Oliver. Ce chef du restaurant parisien le " Grand Véfour" a eu 3 étoiles au Guide Rouge de chez Michelin. Le but des émissions et des magazines est de redonner envie aux familles de recuisiner avec des produits frais et de saison.
Les nouveaux équipements comme le réfrigérateur, le robot ménager, les fours à plusieurs modes de cuisson, .. vont contribuer à faciliter la réalisation des plats. On recommande des cuissons à la vapeur, au bain-marie, en papillote. La cuisson à basse température permet de conserver le goût du produit.
Dans les années 1990, des chercheurs ont voulu vérifier de manière scientifique les bases des recettes de la cuisine française. Nicholas Kurti et Hervé This ont créé la gastronomie moléculaire. Les expérimentations menées avec le chef Pierre Gagnaire vont permettre d'établir les mécanismes scientifiques qui conduisent aux principales transformations culinaires. Il utilise souvent l'azote liquide pour faire ses expériences.
Les chefs emblématiques de ce courant sont Pierre Gagnaire, Thierry Marx, Ferran Adria et Heston Blumenthal.
LA GASTRONOMIE FRANCAISE
Elle a été la 1ère gastronomie reconnue par l’UNESCO au titre du patrimoine culturel immatériel de l'Humanité. Le repas à la française avec ses rituels, sa présentation et sa convivialité est un exemple de l'Art culinaire dans le monde entier.
Le tourisme culinaire s'est développé en France afin de répondre à la demande mondiale de venir découvrir cette diversité culinaire des principales régions françaises. L'offre culinaire est diversifiée à travers plusieurs types d'établissements comme à Lyon avec le Bouchon, dans le Nord avec l'Estaminet, .... l'auberge, la brasserie et le restaurant étoilé du Guide Michelin.
L'offre française de la restauration couvre les différents besoins de la population et de l'activité touristique. Elle permet d'assurer une restauration de la population active comme les chauffeurs routiers, les représentants, les cadres en déplacement professionnel, les employées et les ouvriers .... Au niveau touristique, la France accueille environ 90 millions de touristes par an dans l'hexagone et dans les Dom-Tom. Les périodes des vacances et des jours fériés sont des moments où les déplacements sont les plus nombreux vers les différents territoires français. L'ambition du gouvernement d'atteindre les 100 millions de touristes exige de disposer d'un ensemble de structures hôtelières et de restauration.
L'organisation des Jeux Olympiques d'été en 2024 était un projet qui mobilisait le financement des collectivités territoriales et de l'Etat. Les différents partenaires privés apportaient aussi leur obole à l'évènement sportif international. L'accueil en région parisienne de millions de touristes était une perspective qui engagée des importants travaux d'infrastructure mais aussi dans l'accroissement des capacités de l'hôtellerie et de la restauration.
La décision du gouvernement français de confiner l'ensemble de la population sur une 1ère période de confinement du 15 mars au 15 avril pour faire face à la crise sanitaire mondiale de la pandémie du Coronavirus Covid-19 a eu pour conséquence la fermeture de tous les établissements de la restauration. La saison des sports d'hiver a été écourtée par la fermeture des hôtels et des lieux de restauration dans toutes les stations.
Devant l'incapacité du système sanitaire français à faire face à la pandémie, le gouvernement a prolongé le confinement sur la période du 16 avril au 11 mai. Les différentes mesures socio-écomiques d'accompagnement prises pour différer les charges financières devaient permettre d’accorder un sursis aux petites entreprises. Cependant le cas de l'hôtellerie et de la restauration, les nuitées et les couverts non consommés ne pourront pas être rattrapés sur le reste de l'année 2020.
Les récentes annoncent par l’exécutif français sur le déconfinement à partir du 12 mai, ont indiqué que le secteur de la restauration n'était pas concerné dans l'immédiat. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué dans un interview qu'une "décision finale vers la fin du mois de mai pour avoir une date de réouverture des cafés, restaurants et bars",
Devant l'urgence de la situation financière des sociétés de la restauration, un collectif de chefs du Collège culinaire de France a publié une tribune dans le journal "Le Figaro" pour alerter les autorités et le Président de la République: "Monsieur le président, les chefs vous demandent de rouvrir les restaurants".
Des rumeurs font état d'une possible réouverture de certains établissements vers le 15 juin si certaines exigences sanitaires étaient appliquées comme la "distance barrière" entre les salariés et la clientèle, la disponibilité du gel .....
Les différentes solutions envisagées par les professionnels de la restauration pour répondre aux exigences sanitaires ne vont pas favoriser la convivialité entre les convives et vont impacter la trésorerie des établissements. La solution évoquée de mettre une table sur deux va mettre à mal les restaurants des centres-villes où le nombre de services possible correspond à la rentabilité de l'affaire, mais aussi les restaurants étoilés. En France, le prix du couvert est déjà élevé.
Est-ce que l'effet psychologique de l'anxiété généré pendant la période de confinement va-t-elle conduire les personnes à fréquenter les lieux de restauration ?
Voici la question sur toutes les lèvres.
Antonio MENDES DA PAULA